Aurèle avait eu bien des raisons de se méfier de cet Argentin désargenté qui faisait danser sa nana. Le petit Bob l’avait pourtant prévenu que ces latins étaient chauds. De chauds latins, avait-il dit, qui en profitaient toujours pour tripoter les filles en les chavirant….

«  Gé souis dou pays dou tango y gé lé voudrais bien danser avec vous mad’moiselle… » avait-il dit en enlevant la fille… Tu parles, il connaissait la chanson ! ! Et voilà que depuis plus d’une heure, il ne la lâchait plus… Depuis le balcon, Aurèle observait leur manège. Le basané faisait des yeux doux…( d’où ça déjà qu’il était ce type ?  Bouénozair, Bon air, Débonnaire, … « du bon, du bon Dubon’air, et du vent »… se surprit à fredonner Aurèle…), des yeux doux, comme du merlan frit (au saindoux !) …et elle marchait ! Elle dansait même et se laissant caresser son sein d… Ha ça! Non d’une pipe !!!  (l’expression pensa-t-il était mal choisie).

Aurèle s’enhardit et décida qu’il en avait assez vu…  Il descendit rejoindre le couple qui tournoyait au milieu de la piste. En jouant des coudes ils tenta de se rapprocher d’eux pour les fusiller, mais ils restèrent indifférents aux coups de feux que lançait le regard d’Aurèle … Il entendit même le latino dire « ma qué, yé sens monter en moi oun émoi… » et elle qui répondait : «  ça m’émeut … ».  Aurèle jura tout bas « la vache !… et moi ? ». Il n’y avait plus aucun doute sa mie en émoi lui filait entre les doigts (autant que faire se peut !). «  S’il la bascule, je les bouscule et hop ! (Comme dirait l’agile Talon)… je récupère la fille dans mes bras... » pensa Aurèle…  A ce moment précis, un jeune homme s’approcha de lui et lui proposa une danse. Bien qu’il trouva cela désopilant (au point de lui piler les os), il accepta sans savoir trop pourquoi (c’est pourtant vrai que « personne n’est parfait » pensa-t-il !) … Si Angèle avait été dans ses bras il  lui aurait dit : « Ha ! Qui t’a fait choir ? Et qu’est-ce que t’as fait c’soir ? » Ou quelque chose d’approximatif.