Il est un homme difficile, divisé. Il vit dans le noir, la nuit. Il a
constamment peur de perdre son temps, de perdre de lui-même. Il est
fasciné par son propre regard, pas le regard sur soi, mais par ce
que son regard invente sans cesse, trouve (et se retrouve), par ce
qu’il rend possible s’il est vu, suivi, vécu, par ce que
son regard invente avec ses mains. Ses deux yeux ne lui suffisent
pas. Il est prêt à tout pour se trouver, s’y retrouver.
Ses deux yeux ne lui suffisent pas. Il
lui faut voir, forcer la vision, toujours recoller quelque chose.
Récolter, collecter, collectionner, coller, construire, bâtir.
Je
crois qu’il peint pour voir, dans son atelier qui est une sorte de
refuge, où se trouvent ses objets–témoins, bornes de tous ses
chemins en peinture, de tous ses cheminements dans la peinture…
L’objet n’est pas l’objet d’un
culte, l’objet est là et tout est bon en lui : bouteille,
crâne, moulage de mains, mains articulées de gantier, jouets,
images, reproductions, boules de papier froissé, ficelle, morceaux
de plastiques colorés : objets à prendre la lumière, ils sont tous
choisis parce que témoins de la lumière et de la forme à un moment
donné et parce qu’ils rendent possible, en eux même, la rencontre
avec cette vision inconnue qu’il a en lui et qu’il cherche.
Leur enchevêtrement prévu trace déjà
quelque chose, le fourbi est une architecture.
Ce désordre du motif est une mine que
le regard creuse. Il marque.
Il n’y a pas d’hommage, de
dévotion, de sacrifice, de vocation, il n’y a pas même de guerre
déclarée, de combat, d’opposition. Il n’y a pas d’histoire.
Il y a un homme qui peint et c’est tout.
" Ce que je voudrais simplement faire, c’est une peinture
aussi résistante, aussi consistante que la réalité perçue dont
elle s’inspire tout en rendant compte des cheminements du regard."
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