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[re] vénus
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Opale regard
Sans l’appui et l’encouragement des Médicis, sans leur passion des lettres et des arts, comment aurait-il pu exprimer pleinement sa passion pour la beauté féminine? Ni Pallas, ni Judith, ni Flore, ni même Vénus… pour ne parler que de sa peinture profane. Rien de tout cela ? Pourtant l’œuvre de Botticelli a connu un long purgatoire. Malgré cette beauté patente qui aujourd’hui s’affiche jusque dans les couloirs glauques d’un métro parisien, sa peinture ne fut tirée de l’ombre qu'à la fin du XIXe siècle par l’essai d’un critique d’art anglais : Walter Pater. Soudain, à la lecture de ces écrits, il devenait évident, pour beaucoup que ce génial peintre oublié, valait ses contemporains. La Renaissance de Sandro Botticelli se fit donc dans le brouillard de la campagne anglaise, grâce à la clairvoyance délicate d’un sujet de la reine Victoria. Des figures de Botticelli celui-ci écrira : "ce sont plutôt des hommes et des femmes de condition mêlée et incertaine, toujours attirants, revêtus parfois par la passion d'un caractère de beauté et d'énergie, mais attristés sans cesse par l'ombre que projettent sur eux les grandes choses auxquelles ils se refusent". Et c’est vrai qu’il y a dans cette peinture, l’effet d’un voile qui glisse sur les regards, maintenant les figures à distance. Une forme de mélancolie que nous donne à surprendre le peintre, laissant croire tantôt à une sorte d’indifférence à paraître devant nos yeux, tantôt à un étonnement d’être surpris (dérangés ?) dans l’espace mythique où elles se tiennent. Il y a quelque chose d’étrange, en effet, chez Botticelli, l’affirmation d’une beauté délicate et certaine traversée par une déchirure profonde, l’expression d’une mélancolie furieuse affleure dans ces visages, traduisant le désir d’atteindre l’inaccessible et simultanément, la conscience déçue d’un Paradis perdu. C’est dans ce fragile état, trop humain, que les figures tiennent en équilibre. |
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