L'insouciance (fragment 8)

Lent cortège des peupliers sur le canal. Elle tourne et retourne sept fois sa langue dans sa bouche…

Cordon dunaire blême sous la lune. La tête roule sur le coton du drap. Le corps en boule se détend façonnant un paysage plus complexe : collines et plaines sous la neige. La main tremble. Enfin juste les doigts. Soubresauts légers comme les branches d’un arbre qui frémit sous le givre.

Un bruissement imperceptible et la couverture de neige se déplace encore avec le bruit d’un craquement. Ce n’est pas la croûte qui se fend mais juste le sommier qui grince. Un grand lit, un corps couché en travers s’agite dans son sommeil. Une touffe brune ébouriffée : seule tâche de végétation visible.

Une fenêtre ouverte sur la nuit de la rue, et le carré du lit éclaire une chambre de dimensions modestes. Un miroir au-dessus du lavabo qui clignote en lettres vertes, une chaise dans un coin où sont posés, en tas, des vêtements, une table presque vide. Au sol une valise ouverte et un sac. Près du lit sur ce qui pourrait être une table de chevet un cadran affiche les pulsations rouges d’un cœur électrique. Sans bruit, le sang digital égrène les secondes.

La montagne de drap palpite doucement. La crête se soulève aux rythme d’une vague puis, sans crier gare le paysage s’effondre de nouveau : avalanche et remous. Une jambe fait son apparition.

Arrêt sur image. Couché sur le ventre un cadavre est enseveli sous la couche molle d’un manteau blanc… […]


 

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