L'insouciance (fragment 16)

(Valerie émois)

La piscine avait la forme d’un haricot blanc. Oubliée au fond du jardin, sous les filaos, je l’ai toujours connue vide. J’aimais venir là. C’était comme une pièce à ciel ouvert. On y descendait par une échelle. Elle était, comme toutes les piscines, peinte en bleu, mais, avec le temps la couleur était passée et de grandes auréoles brunes et rouges dessinaient des paysages fantastiques. Un bleu délavé donc, ce qui est drôle pour une piscine à sec. J’en avais fait ma résidence de jeux, tantôt château fort imprenable, tantôt sous-marin… tout était possible ! Assez profonde à l’endroit de l’évacuation, elle était (mais je n’ai jamais vérifié) à l’abris des regards. Je pouvais ainsi, selon moi, y jouer sans que mes pitreries et mes cabrioles n’attirent l’attention de mes parents.
Plus tard quand j’ai su grimper aux arbres, c’est sur le toit de la maison que j’installais mon aire de jeux. Le toit de notre maison était plat, je veux dire sans faîtage. C’était une terrasse avec un rebord haut comme ne marche, une sorte de bassin, si l’on veut qui était divisé en plusieurs compartiments. Dans un coin il y avait une citerne d’eau montée sur un châssis en acier. C’est là, dans une armoire de fer dont j’avais forcé la serrure, que j’entreposais mes trésors ou mes butins.

Valérie était plus grande que moi. En taille et surtout en âge. J‘en avais 8 et elle 10. Valérie c’était la fille du patron de mon père et nous nous retrouvions parfois pour jouer ensemble quand ses parents étaient invités à venir boire « l’apéro » chez les miens. Nos jeux étaient toujours les mêmes : nous investissions la piscine. Dés fois elle était la femme du trappeur, dès fois princesse. Elle faisait la cuisine, j’allais à la chasse, elle était la maman et moi le papa… Valérie était gentille mais un peu niaise, « bien gentille » comme j’avais entendu mes parents le dire. N’empêche qu’elle savait bien jouer et moi j’étais content de partager mon terrain de jeu avec elle.
Un jour qu’on était attaqué par une horde d’indiens je fus assommé par un coup de tomawak. Quand je revins à moi elle avait été enlevée par la bande de comanches. Comme nous n’étions que deux à incarner tous les rôles à la fois, je me fis indien. J’avais ligoté solidement les poignets de ma prisonnière (comme il se doit) et je la tirais derrière mon cheval. De temps en temps, la visage pâle trébuchait et implorait que je la libère. Je profitais de ces laps pour endosser mon chapeau, reprendre mon révolver de cow-boy et me lancer à la poursuite des ravisseurs. Il fallait une sacrée organisation. Quand l’indien fut enfin arrivé au campement (la piscine!) il décida que la femme blanche serait attachée à un poteau.
Valérie qui intervenait rarement dans les scénari me fit alors remarquer que les indiens attachaient leurs prisonniers nus. Je n’avais jamais pensé à ça et j’acquiesçais. Valérie retira sa robe puis fit glisser sa culotte. « Ça fera plus vrai comme ça ! » dit elle en se tournant vers moi avec un air espiègle que je ne lui avais jamais vu.


 

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