L'insouciance (fragment 16) (Valerie émois)
La piscine avait la
forme d’un haricot blanc. Oubliée au fond du jardin, sous
les filaos, je l’ai toujours connue vide. J’aimais venir là.
C’était comme une pièce à ciel ouvert. On y
descendait par une échelle. Elle était, comme toutes les
piscines, peinte en bleu, mais, avec le temps la couleur était
passée et de grandes auréoles brunes et rouges dessinaient
des paysages fantastiques. Un bleu délavé donc, ce qui est
drôle pour une piscine à sec. J’en avais fait
ma résidence de jeux, tantôt château fort imprenable,
tantôt sous-marin… tout était possible ! Assez profonde
à l’endroit de l’évacuation, elle était
(mais je n’ai jamais vérifié) à l’abris
des regards. Je pouvais ainsi, selon moi, y jouer sans que mes pitreries
et mes cabrioles n’attirent l’attention de mes parents.
Valérie était plus grande que moi. En taille et surtout
en âge. J‘en avais 8 et elle 10. Valérie c’était
la fille du patron de mon père et nous nous retrouvions parfois
pour jouer ensemble quand ses parents étaient invités à
venir boire « l’apéro » chez les miens. Nos jeux
étaient toujours les mêmes : nous investissions la piscine.
Dés fois elle était la femme du trappeur, dès fois
princesse. Elle faisait la cuisine, j’allais à la chasse,
elle était la maman et moi le papa… Valérie était
gentille mais un peu niaise, « bien gentille » comme j’avais
entendu mes parents le dire. N’empêche qu’elle savait
bien jouer et moi j’étais content de partager mon terrain
de jeu avec elle. |
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