L'insouciance (fragment 15) Pendant que mon père installait ses cannes à pêche sur la plage, je rejoignais ma cabane dans les dunes. Nous venions ici tous les dimanches. Ma cabane n’en était pas vraiment une : c’était plutôt un abri sous les buissons : un terrier où j’entrais en rampant. Seul, semaine après semaine, j’aménageais l’intérieur de mon abri à l’aide de tous les matériaux ramassés sur la plage, cordes, planches, toiles… L’océan est un grand pourvoyeur. Petit à petit, j’avais creusé dans le sable mou, sous le buisson, une cache assez haute pour pouvoir en son centre y tenir debout. Pour endiguer les coulées de sable j’avais disposé tout un étayage de planches. Le sol était bâché, il n’y avait pas d’autre toit que la végétation serrée du tamaris. Je passais des heures à observer avec des jumelles les alentours. De là haut je voyais d’un côté la plage s’étirer sur des kilomètres et de l’autre la mer de sable. Côté plage, j’observais les gestes de mon père lançant ses lignes, le mouvement des rouleaux, les cargos qui passaient au large… J’étais Robinson…ou presque. Côté désert il y avait les plis des dunes à l’infini commes des vagues figées. Parfois quand nous arrivions assez tôt le matin, mais c’était rare, j'y surprenais mon voisin le fennec qui rentrait dans son trou. Ces jours là, j’étais celui qui demande à l’aviateur égaré à "mille milles de toute terre habitée" de lui dessiner un mouton… Au cours de mes pérégrinations j’avais trouvé, au-delà des premières dunes, un étrange cimetière. Des carcasses de jeeps et de camions y étaient en partie ensablées. Des fûts, des caisses éventrées dans les quelles je trouvais de quoi me constituer un équipage complet de baroudeur : gourde, gamelles, ceinturon, casque… Régulièrement sans j’allais piocher dans cette réserve et je revenais entasser le tout dans ma cabane des sables. J’y avais même déniché un pistolet automatique. L’arme était rouillée, hors d’état, mais elle faisait bien mon affaire. Un jour, mon père avait invité un ami à la pêche - un médecin militaire je crois ? - Tandis que nous roulions, dans la lumière bleutée de l'aube naissante, sur la piste qui conduisait à la plage, celui-ci a pointé son doigt en direction des dunes : «… c’est par là je crois que les combats ont eut lieu... il y a deux ou trois ans…, avant d’ajouter : l’endroit est encore truffé de mines! » |
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