En 1985 Beuys réalise
Plight, une installation qui reprend justement cette question en amplifiant
le dispositif de mise en scène. L’accès unique au
lieu oblige le visiteur à se baisser pour passer sous des rouleaux
de feutre. À l’intérieur, la totalité des
cloisons est recouvertes de ces mêmes rouleaux, empilés
sur deux niveaux et sur toute la hauteur des cimaises. Dans la première
pièce se trouve un piano à queue, sur lequel est posé
(à plat) un tableau ainsi qu’un thermomètre. La sensation
d’étouffement et de silence se dégage de cet espace
comme si l’on venait de pénétrer dans un sanctuaire.
Contrairement à Infiltration homogène pour piano, ici
l’instrument est visible mais reste tout aussi muet que dans l’œuvre
précédente et l’on se doute que, même en enfonçant
une touche du clavier pour en vérifier l’acoustique, on
n’obtiendrait qu’un son étouffé et sans résonance.
Replié sur le corps de l’instrument, le tableau noir rayé
de lignes rouges sur le quel est déposé un thermomètre
médical renvoie aux deux croix rouges qui signalait l’état
d’urgence.
En 20 ans, Beuys
nous a conduit de l’entablement d’un dolmen au cœur d’un
sanctuaire mais l’urgence à soigner ce piano, cette société
malade, est restée la même.