> [re] vénus
 

Vénus en corps

On dit que, convaincu de l’adultère de Vénus, Vulcain fabriqua un filet invisible qui devait servir à surprendre sa femme en compagnie de son amant au moment le plus confondant. Le piège ayant fonctionné, on dit encore qu’il n’hésita pas à exposer les deux amants captifs sous le regard des dieux hilares.

Je pense à cette anecdote à propos de la question de l’artiste contemporain et du public. J’écoutais il y a peu, le responsable d’une institution artistique m’expliquer avec enthousiasme les divers dispositifs des œuvres récentes dont il venait d’enrichir les collections de son centre. A travers ses propos, l’intention de l’artiste y était suffisamment restituée, même dans les grandes lignes, pour que l’objet, l’installation ou l’œuvre, apparaisse sans que celui-ci ou celle-ci soit présent(e). Sur le moment, j’ai admiré ce tour de force qui consistait à rendre visible ces œuvres (apparemment fort complexes) pourtant absentes de notre (de mon) champ de vision, puis, il m’est venu à l’idée que si l’œuvre pouvait être uniquement décrite par son principe, c’est que sans doute elle pouvait se résumer à cela. Un dispositif, une trame transparente conçue pour ramasser le spectaculaire et livrer cette prise aux regards conquis de la pensée critique raisonnable.

En d’autres termes, le discours semblait contenir l’œuvre, l’enveloppait sans que la rencontre avec celui-ci ne devienne nécessaire. Ce que je ressentais alors n’était nullement lié au résumé brillant de mon interlocuteur mais bien davantage à la découverte de la réduction soudaine de l’œuvre en une succession de formules. L’intention était claire et l’objet transparent. En aurait-il été de même si l’objet avait été une peinture, une photographie, une sculpture?


Soudain, corps de nacre dressé, inondé de désir. Des franges d’écume s’enroulait au devant de la conque sur le triangle où reposaient ses pieds,

Soudain elle était là.

Les herbes et les fleurs poussaient sous ses pas, les vents défaisaient les nuées sur la plaine salées des vagues,

Chez Botticelli, la ligne est l’écrin de la couleur, le corps de la peinture a le velouté d’un pétale de rose.