<< < >  

> notes sur clichés (photo revisitée)

42/ Devant le plan d’eau l’œil hésite toujours entre la surface et le fond, entre les reflets mouvant du ciel et les algues qui ondulent. Entre deux eaux, il arrive que des poissons fassent oublier l’un et l’autre. Le bassin au fond du jardin était ce miroir où l’on s’abandonnait à la rêverie sans fin, bercé par le gargouillis de la fontaine – un simple tuyau en acier fiché dans une pierre – .

L’ombre du tilleul, par les fortes chaleurs, balançait sa couronne et émaillant la surface de mille scintillements. J’ai encore la morsure de l’eau fraîche (presque glacée), sur la main plongée à mi-bras dans la vasque, j’ai encore sous les doigts les mousses gluantes qui en tapissaient les parois.

Dans ce bassin, les poissons – car il y en avait aussi – étaient blancs ou vaguement jaunes, certains semblaient même translucides. On disait, pour rire, que c’étaient des albinos, ou bien même que, s’ils n’étaient pas rouges comme les vrais, c’était par manque de soleil. Lorsque la main avait trempé assez longtemps au même endroit, il arrivait que l’un d’entre eux vous effleure. Parfois, la tentation de refermer la main sur ces corps lustrés était grande, mais l’expérience maintes fois renouvelée s'étant avérée infructueuse, on se contentait du frisson produit par cette caresse légère.