> [re] vénus
 

Trois notules*


1 - Deux Milo


La première fois que je l'ai croisée, c'était dans le salon familial, avec ses bras cassés. Mais qui dans la maison avait bien pu faire ça ? On aurait pu essayer de la recoller au moins !

- « Mais c'est la Vénus de Milo ! » avait-on fini par m'expliquer.

En effet, ça expliquait tout ! Je crois me souvenir que j'ai éprouvé alors de la tristesse à l'égard de ce pauvre Milo : « S'il avait vu sa sculpture dans cet état ! ». 2000 os à recoller ça fait du boulot !

Plus tard, vers l'âge de 8 ou 9 ans, je me souviens encore du choc en la découvrant « en vrai » dans les salles du musée du Louvre. Notre Vénus (elle, si familière...). Rien à voir avec la minuscule statuette de quelques centimètres qui trônait dans notre séjour. Celle la était immense. Je me sentais tellement petite à côté.


2 - Dieu est matheux.


Pour parler de la géométrie du tableau de Botticelli, j'aurai dû sortir mon compas, ma règle et mon équerre et tracer toutes les lignes immondes du rectangle d'or. Mais c'est bête tout ça ! Je me fiche de savoir comment l'artiste a voulu conduire notre regard à travers ces lignes invisibles, ou comment la déesse du temps et les dieux du vent sont inscrits dans les diagonales de la « divine proportion ». Et elle, Vénus, au milieu, dans cette immense spirale d'or, ou devrais-je dire dans cet immense nautile ? Ce qui m'intéresse, c'est toute l'interprétation de ce choix qu'on peut s'amuser à faire.

Le « nautile d'or » nous renvoie à cet immense morceau de nacre sur lequel Vénus se tient en équilibre. Au bord du déséquilibre justement. Comme l'humanité qui, depuis sa naissance, se tient dans un état précaire. A tout moment, tout peut basculer. Car si Vénus est le symbole de l'amour et de la passion, elle est aussi celui de l'adultère et des vices qui conduisent, selon une vision
judéo-chrétienne, à la perte. Est-ce à cause de ce message profond que l'artiste a épargné ce tableau du bûcher des Vanités ?

Au-delà de la simple allégorie du mythe de Vénus et de sa naissance, on dit que Botticelli a voulu peindre, dans sa quête du monde idéal, la naissance de l'humanité. Classique donc le choix de la « divine proportion ». Au fond, c'est la recherche de l'harmonie naturelle qui rejoint l'idée que Dieu est dans tout. Finalement, pas artiste donc, le bon Dieu, mais matheux !

3 - Les larmes de l'amer

Ce qui me frappe surtout, c'est toute la tristesse du monde qui est visible sur le visage d'Aphrodite. Elle est au bord des larmes. Les larmes de Vénus. Il s'agit du nom donné aux trésors que nous offrent les huîtres perlières. Je ne peux alors m'empêcher, en souriant, de faire le lien entre les parasites de ces mollusques à l'origine des perles de culture et la semence d'Ouranos jetée à la mer.
Ainsi, Vénus échoue dans sa coquille d'huître, telle la magnifique perle qu'elle est, symbole de la beauté éternelle, prête à être parée des plus beaux artifices. Alors, pourquoi tant de tristesse ?

*(contribution de Céline Guillemin)