L'insouciance (fragment 22)

La fascination pour ces objets en plastique multicolores qui ornaient la devanture du bazar lorsqu’on se rendait à la plage. Pelles et seaux, ballons, palmes et tubas, le tout suspendus en grappe dans des filets verts ou roses… Il y avait aussi, je m’en souviens, des sachets de soldats et d’animaux, eux aussi dans ce plastique mou aux couleurs criardes.

Lorsque l’on franchissait le seuil il fallait un instant pour se remettre de la différence de lumière. L’encombrement que l’on découvrait à l’intérieur était encore plus spectaculaire. Les murs étaient couverts de rayonnages chargés de breloques, cadeaux souvenirs en coquillage, figurines en plâtre et fioles diverses, du plafond dégoulinaient des paniers, sacs, chaussures de plage. Autour de l’unique pilier central canes à pêche, épuisettes, harpons et autres manches en bois étaient disposés en faisceau. Au fond de la pièce, derrière un petit comptoir de bois se tenait assise la patronne.

Josette sortait peu de son fourbi, sauf pour faire décrocher du plafond l’un ou l’autre de ses articles en s’aidant d’une longue tige en métal à bout recourbé dont elle se servait comme d’un d’hameçon. Josette avait une fille qui l’aidait au magasin. C’est elle qui vendait les glaces et les cartes postales. Marion était grande pour son âge. Ses cheveux bruns et courts lui donnaient une allure un peu sévère que compensait un regard bleu très doux. Marion ne venant jamais se baigner ni jouer avec les autres enfants sur la plage, j’avais pris l’habitude de venir à la boutique sous n’importe quel prétexte, juste pour croiser son regard. Je crois qu’elle avait compris mon manège mais n’en laissa jamais rien paraître.

J’ai retrouvé, il y peu, un magasin semblable. Sur le comptoir étaient posés, dans un bocal de verre, de petits moulins munis d’ailettes multicolores. J'en ai pris un. La vendeuse qui me l’a enveloppé m’a dit, d’un air triste, que ce genre d’article ne se vendait plus beaucoup : «... les gosses aujourd’hui, avec tous leurs bidules électroniques, vous comprenez… ». J’aurais voulu lui dire que c’était pour moi que j’achetais le moulin, mais je n’ai pas osé.


 

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