> [re] vénus
 

La fleur et le miroir

Jardin crépitant d’insectes. Enchevêtrement d’herbes sèches traversées des jeunes pousses. Vert tendre parcouru du ballet des bourdons autour des premiers boutons mauves et jaunes. Coupe blanche des tulipes perchées au bout des tiges, dépliant lentement leur couronne. Une lumière claire, lavée. L’air vibre.

Le front posé contre la vitre, une jeune fille regarde défiler les parcelles de terre fraîchement retournées des jardins ouvriers, tassés le long de la voie ferrée. Le renouveau s’annonce tôt cette année. Sur ses genoux un livre ouvert repose sous le poids de ses doigts détendus. L’autre main tire machinalement sur un médaillon. Son regard s’absente de temps en temps.

Ce n’est pas le dehors qu’elle fixe, ni même son reflet sur la face interne du carreau, mais un ailleurs au dedans d’elle. Le renouveau, la renaissance de la nature que pour la première fois elle considère l’absorbe.

L’eau coule dans le bassin de la fontaine à grands jets. Un homme en bras de chemise, un seau à la main éclabousse le pare-brise de sa voiture, un petit tracteur rouge soulève des langues de terre noire, une colonne de fumée s’élève au bout du champ, la scansion des haies, balaye le paysage.

La tête est maintenant basculée sur une épaule, calée contre le dossier. Les yeux sont clos. Dans la main droite, le livre est refermé. Un doigt glissé entre les pages marque l’endroit où s’est interrompue la lecture.

La couverture reproduit un fragment de « la Primavera » de Botticelli. La main gauche est posée sur une jupe à fleurs, à hauteur du bas-ventre, comme un coquillage.